La mesure du bien-être, de la qualité de la vie et du progrès social a réouvert le champ des controverses sur le pouvoir de fascination du chiffre, ses « rites d’objectivité » (Ogien 2012) voire cette « fiction » que représente « l’art de mesurer » (Sobel & Postel, 2010) auxquels s’adonnent scientifiques et gouvernants. Or, quelle utilité ou modernité peut-on trouver à poursuivre ces débats sous l’angle des modalités de la mesure et de la construction d’indicateurs alternatifs au PIB pour représenter le bien-être et le progrès social ?
Depuis l’une des plus anciennes définitions données sur les indicateurs sociaux par Stuart Reiss en 1967 « Les indicateurs sociaux sont les outils nécessaires pour trouver les chemins, dans le labyrinthe des interdépendances de la société. Ils cernent des états sociaux, définissent des problèmes et tracent des tendances sociales », la palette de qualification s’est étoffée. Considérés soit comme des dispositifs de représentation symbolique (Meda, 2011), soit comme ayant une « capacité performative» (Desrosières, 2008), voire comme favorisant le basculement d’une rationalité politique et stratégique en rationalité « paramétrique » (Orléan, 2007), les indicateurs sociaux ne sont pas une simple collection, même rationnellement choisie, de statistiques. Car, derrière la permanence du recours à l’outil se profilent, en fonction des contextes historiques, économiques, sociaux et politiques, des débats sur la légitimité de l’outillage technique, sur les conventions cognitives à l’œuvre (Gadrey, 2001; Perret, 2002) et sur leur portée symbolique et pratique.
Ce séminaire pluridisciplinaire mobilise des savoirs et expertises scientifiques divers autour d’un objet commun, le bien-être afin de débusquer à l’arrière-plan des techniques de méthodes d’enquêtes et de représentations des données, les postures intellectuelles et idéologiques qui président aux choix de telles données, à leur interprétation, validation et mise en forme.